samedi 3 avril 2021

Chapitre 16. La dynamique des zones de divergence lithosphérique (classe de 1ère, spé SVT)

  Dans le chapitre précédent, vous avez vu les caractéristiques des zones de divergence lithosphérique ou dorsales.

Toutes les méthodes donnent les mêmes résultats, un flux de chaleur important se trouve au niveau des dorsales, l’anomalie la plus importante se situant juste en dessous de la surface.

Le flux géothermique au niveau de la dorsale Pacifique

 

 

1. Etude de la dorsale islandaise 


La seule zone du globe où l’étude d’une dorsale est relativement aisée, est l’Islande, qui est la seule île où la dorsale est émergée. L’Islande est non seulement une dorsale émergée mais aussi un point chaud. 

Carte géologique simplifiée de l’Islande qui permet de voir la situation de la Dorsale Nord Atlantique au niveau de l’île.

 

 

L’endroit où passe la dorsale est marqué par un rift impressionnant appelé Thingvellir. Ce site a une importance très grande dans l’histoire de l’Islande puisqu’à partir de 930, s’y réunissait l’Albir, le plus vieux parlement du monde. 


 

Les éruptions islandaises sont dites fissurales, c’est à dire qu’elles ont lieu dans de petits édifices volcaniques reliés par une grande fissure. Ces fissures peuvent avoir plusieurs dizaines de kilomètres de long comme la fissure Laki, qui émit, entre 1783 et 1784, 12 km3 de laves et des quantités de gaz énormes provoquant une catastrophe climatique dans toute l’Europe. 

 

 

En 2014, la plus importante éruption de l’année eut lieu dans la fissure de Bardarbunga (la bosse de Bardur). Sur la vidéo, on voit bien les caractéristiques de l’éruption très effusive avec des fontaines de lave. Les roches formées sont, essentiellement de type basaltique. 

 

 

Une coupe de l’Islande en tomographie sismique, montre une zone d’anomalie de vitesse négative sous l’île. Cela signifie que le matériau mantellique est plus ductile et donc que la température est plus élevée. 

 

 

Les mesures du flux géothermique le confirment.  


 

B. La chambre magmatique et ses conditions de formation

 

Il existe donc une modification de la nature et de la vitesse des ondes dans une zone située sous la dorsale. On appelle cette zone, la chambre magmatique même si le magma, au sens strict, n’occupe qu’un tout petit volume en haut de cette chambre. Le reste est occupé par du matériau plus ou moins fondu partiellement.

La première question qui se pose est celle de la profondeur de la chambre magmatique. On entend souvent que le magma provient du « centre de la Terre », mais est-ce vrai ?

Si on suppose que le gabbro (et le basalte) qui forment la croûte océanique dérivent de la péridotite mantellique, il faut savoir dans quelles conditions.

Le tableau suivant nous présente les résultats de pourcentage de fusion partielle de la péridotite comparés à la composition d’un basalte (ou gabbro) océanique.

 

 

On constate que la composition du basalte océanique correspond à une fusion partielle de l’ordre de 15% de la péridotite mantellique. Ce qui signifie que 85% de la péridotite ne fond pas.

On a vu que les dorsales étaient des zones à fort flux géothermique. Pour simplifier, il faut imaginer que la Terre fonctionne comme une gigantesque cocotte-minute. Les dorsales servent à libérer l’énergie interne du globe. Lorsqu’on regarde les isothermes à différentes profondeurs, on constate qu’une dorsale est bien une zone d’anomalie positive de température.

 

 

Il n’est, bien évidemment, pas possible d’expérimenter en lycée, les conditions de pression et de température (PT) qui permettent d’obtenir ce résultat. On utilise alors le logiciel « Presse à enclume de diamant » en entrant les données suivantes :

­­— température : 1250 °C

— pourcentage de fusion : 15%

 

 

On constate que la profondeur de là chambre magmatique est alors de 0 à 5 km. Oubliez le magma provenant « des profondeurs du globe », car la péridotite ne peut fondre partiellement que lorsque la pression est suffisamment basse.

On peut représenter les différents états de la péridotite dans un diagramme pression-température (diagramme PT). On constate qu’il y a 3 « états », l’état solide (la roche), l’état liquide et, entre le deux, un état mi-liquide mi-solide, un état de fusion partielle.

 

 

Un géotherme exprime les variations de température en fonction de la pression, donc de la profondeur. Il varie selon la nature et l’état de la roche. Sur le document suivant, sont représentés les 3 géothermes caractéristiques :

— le géotherme de dorsale

— le géotherme océanique moyen, c’est à dire au niveau de la plaine abyssale

— le géotherme continental qui ne nous concerne pas

 

 

On peut appliquer le tracé des géothermes sur le diagramme PT de la péridotite. On obtient la figure suivante. On constate que seul le géotherme de dorsale coupe la limite solide/solide + liquide (zone colorée en rouge). Cela signifie que la fusion partielle de la péridotite ne peut se faire qu’au niveau d’une dorsale. 

 

 

 
Schéma d’une dorsale
 
 

Lorsque le matériau mantellique qui est à plus de 1200 °C entre en contact avec l’eau de l’océan profond qui est entre 1 et 4 °C, il se produit différentes réactions. En premier lieu, la surface basaltique se refroidit très rapidement alors que dessous, le magma reste chaud. Il se forme alors des boudins de basalte qu’on appelle laves en coussin ou pillow-lava. Ces pillow-lavas sont caractéristiques d’une activité magmatique sous marine.

La petite vidéo suivante met en évidence ce mode de formation.

 


 

Pillow-lavas au large de Hawaï

 



Lors des phénomènes de collision continentale (voire chapitre 16, partie 2) des morceaux de lithosphère océanique peuvent être transportés en milieu continental. Ces formations sont appelées ophiolites.  C’est le cas dans les Alpes, au col du Chenaillet non loin de Briançon, à 2600 mètres d’altitude. On reconnaît là, très facilement, des pillow-lavas qui indiquent l’origine océanique de la formation.

 

Pillow-lavas émergés sur la côte de Californie

 


 

Col du Chenaillet dans les Alpes 

 

 


Les pillow-lavas du Chenaillet

 

 

C. Vitesse d’ouverture et datation des océans

 

Avec les vecteurs GPS situés sur l’Islande, on peut calculer que la vitesse d’expansion de l’Atlantique Nord est de 4 cm par an environ. On peut ainsi facilement dater les différentes zones de l’Atlantique nord en utilisant la distance entre la dorsale et les côtes continentales. On obtient les résultats suivants :

 



 

Si on rapporte cette datation sur une échelle stratigraphique, on constate que l’ouverture de l’Atlantique Nord a du commencer durant l’ère cénozoïque  à la période paléogène. 

 

 

Autant dire que l’Atlantique Nord est un océan récent. La zone où les fonds de l’Atlantique sont les plus anciens se situe entre la Floride et le Maroc. Une coupe dans cette zone donne les datations suivantes :

 

 


 
Rapportée à l’échelle stratigraphique, on constate que l’Atlantique a commencé à s’ouvrir il y a 180 millions d’années, c’est à dire durant l’ère Cénozoïque à la période Jurassique. C’est à peu près l’âge le plus ancien des fonds océaniques terrestres qui ne dépassent pas 200 millions d’années.  Or la Terre s’est formée, il a environ 4,6 GA (giga-années = milliards d’années). Cela pose donc un problème.

Observons maintenant un planisphère donnant les datations de plus vieilles roches continentales.  On constate que certaines roches date de plus de 2,5 GA. La roche le plus ancienne a été découverte au Nunavut (nord du Canada) en 1999. Elle a été datée 4,28 GA. Cela signifie que la lithosphère continentale ne se renouvelle pas alors que la lithosphère océanique se renouvelle et que les océans peuvent naître et disparaître.

 

 

L’Atlantique a donc commencé à s’ouvrir il y a environ 180 millions d’années durant l’ère Mésozoïque et la période du Jurassique. C’est une conséquence de la fracturation de la Pangée qui réunissait toutes les terres émergées depuis le Carbonifère, il y a environ 250 millions d’années. Deux supercontinents en résultent, au nord la Laurasie et au sud le Gondwana.

 

La Pangée au Trias

 


 

 

La Terre au Jurassique inférieur. Le Gondwana qui regroupe l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Antarctique constitue le super-continent du sud , alors que la Laurasie, au nord est constituée de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Asie. L’ouverture de l’Atlantique va fracturer la Laurasie.

 

 

Une très belle vidéo qui montre la "valse" des plaques tectoniques de - 250 millions d'années à + 240 millions d'années. Bien entendu, tout cela est hypothétique. 

 

 

Même si le T.rex est LE carnivore du Crétacé, je ne peux pas m'empêcher de mettre ces deux photos. Il faut toujours garder un peu d'humour même dans des périodes lourdes comme celle que nous vivons. La seconde est une authentique pub, que je viens de la recevoir…

 


 

D. L’hydrothermalisme et l’hydratation de la lithosphère

 

En 1977, une équipe américaine découvre dans les zones de dorsale, l’existence de cheminées hydrothermales qui rejettent un fluide à très haute température (jusqu’à 400 °C) chargé d’éléments provenant de la croûte.

Plus étonnant, ces cheminées hydrothermales sont le siège d’une vie très intense et spécifique à ces zones.

Il s’agit du seul écosystème connu ne dépendant pas de l’énergie solaire mais de bactéries chimiosynthétiques. La chimiosynthèse consiste à élaborer de la matière organique à partir d’une énergie autre que solaire (ici l’énergie géothermique) et des éléments minéraux présents dans le milieu.

Ces cheminées hydrothermales sont alimentées par l’eau océanique qui s’infiltre dans les fissures de la croûte et est chauffée par le magma.

 

Schéma d’un site hydrothermal

 


 

Cheminées hydrothermales sur une dorsale 
 

 
 
Deux vidéos donnant une présentation générale des êtres vivants peuplant ces zones particulières. Les images sont d’une très belle qualité. 
 

 

 
Les deux images suivantes présentent ce qu’on appelle les « oasis des grands fonds » entre 2000 et 5000 mètres de profondeur.  L’animal emblématique de ces zones est Riftia pachyptila, vers fixé mesurant environ 2 mètres qui vit en symbiose avec des bactéries assurant sa nutrition.  
 


 

De nombreuses espèces ont été inventoriées depuis que ces zones ont été découvertes.

 

Riftia pachyptila. La partie rouge ou gland possède un pigment proche de l’hémoglobine.

 



 

Crabe de la famille des Bythograe 

 

 

 

Kiwa hirsuta, le crabe yéti

 


 

Bathymodiolus childressi., une moule géante 

 

 

Alvinella pompeïana, le vers de Pompeï qui peut vivre dans des eaux à 80 °C

 


 

Crysomallon squamiferum, l’escargot blindé, qui élabore sa coquille à partir des carbonates présents dans le milieu (carbonate de fer, de cuivre, etc.) 

 

 

Grimpotheutis sp., le poulpe Dumbo un céphalopode de grande profondeur dont on ne sait pas grand chose

 


 

Vampyrotheutis infernalis, céphalopode de la famille des Vampyromorphidés, un mélange de poulpe et de calmar qui contrairement à tous les autres céphalopodes ne serait pas carnivore mais détritivore.



 

 

On voit qu’une circulation d’eau s’installe très rapidement dans la croûte et dans toute la lithosphère. Cela signifie que les roches vont être hydratées. L’hydratation provoque une modification des minéraux présents. On parle de métamorphisme par hydratation. Plus la lithosphère s’éloigne de la dorsale, plus cette transformation est importante.

La péridotite hydratée prend le nom de serpentinite.

 

Echantillon de serpentinite

 


 

Lame mince de serpentinite en LPA 

 


 

Le gabbro est constitué de pyroxène et de plagioclase. Si les plagioclases résistent bien à l’hydratation, les pyroxènes se transforment en amphibole. Le gabbro est métamorphisé et prend le nom de métagabbro selon les réactions suivantes:

 

1ère étape : plagioclase + pyroxène + eau = pyroxène + amphibole

2ème étape : pyroxène + amphibole + eau = chlorite + autre minéral

 

Le métagabbro prend un aspect plus ou moins vert du à la chlorite. On parle de métagabbro de faciès schiste vert

 

Echantillon de schiste vert

 


 

Plus on s’éloigne de la dorsale et plus la plaque est hydratée. Outre les conséquences minéralogiques et pétrologiques (sur la roche) que représente ce phénomène, l’hydratation entraine des conséquences mécaniques sur le comportement de la plaque qui s’alourdit. L’enfoncement de la plaque océanique n’est, cependant, pas immédiat, car la viscosité de l’asthénosphère crée une résistance à l’enfoncement.

 

Densité comparée de la lithosphère océanique et de l’asthénosphère


 

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