vendredi 2 septembre 2016

THEME 1A. GENETIQUE ET EVOLUTION. De la diversification des êtres vivants à l'évolution de la biodiversité (TS)

Comment définir une espèce ?
C'est à partir du XVIIIème siècle, avec l'avancée des sciences, que plusieurs problème se sont réellement posés.
Pour décrire les plantes ou les animaux qui sont rapportés des grands voyages d'exploration, durant la Renaissance ou le XVIIème siècle, on utilise une diagnose, qui est un petit texte en latin qui décrit brièvement le spécimen. Cette méthode s'avère peu pratique et peu scientifique.
L'autre problème est de différencier des spécimens qui se ressemblent sans être tout à fait les mêmes.
Prenons le cas des Coccinelles :


On constate qu'un même nom recouvre des animaux très différents.
En outre, le nom vernaculaire (populaire) varie selon les pays, voire selon les régions :
— bête à bon dieu en France
— ladybird en Angleterre
— Marienkäfer dans les pays germaniques
Une véritable internationale de la science se constitue au XVIIIème siècle qui comprend très vite qu'une telle situation n'est plus acceptable. 
C'est le suédois Carl von Linné (1707-1778) qui a fixé les règles de dénomination des espèces, reprenant les idées du français Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708).

Carl von Linné


Une espèce se détermine par deux noms :
— un nom de genre, avec une majuscule, correspondant à un ensemble d'espèces proches. Exemple : Coccinella.
— un nom d'espèce, avec une minuscule, correspondant à l'ensemble des individus ayant un aspect semblable. Exemple : Coccinelle septempunctata (la coccinelle à 7 points).
On écrira donc : Coccinella septempunctata, Latreille 1807, ce qui signifie que l'animal a été nommé pour la première fois par le français Latreille en 1807.


Le loup gris : Canis lupus, Linné 1758


L'ouvrage le plus important de Linné est le Système de la Nature (1758) où l'auteur propose sa nomenclature et introduit des éléments de classification, reflet de la création divine.




Son exact contemporain est le français Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788).


Pour Buffon, la ressemblance entre les êtres vivants, n'est pas le critère principal de définition de l'espèce.
Pour lui, le critère fondamental est la capacité qu'ont des individus à engendrer un nouvel individu lui-même fertile.
C'est le critère d'interfécondité.
Buffon est connu pour son grand ouvrage baptisé Histoire Naturelle parue de 1749 à 1789. L'ouvrage étant demeuré inachevé, c'est Bernard Germain Etienne de Lacépède (1756-1825) qui l'achève entre 1788 et 1804.
Pour la majorité des naturalistes du XVIIIème siècle, tels Linné et Buffon, Les espèces ont été créées par Dieu et, comme telles, ne peuvent pas subir de modification. Buffon parle parfois de modifications légères apparues au cours du temps, qui ne remettent pas en cause ce dogme du fixisme.
Cependant, en Angleterre, Erasmus Darwin (1731-1802) grand père de Charles, s'intéresse aux fossiles découverts dans les mines. Il y voit une preuve de la transformation des espèces et une remise en cause de la création divine. C'est un critique sévère du créationnisme.


C'est en France, pour la première fois, qu'un naturaliste va proposer une théorie complète de la modification des espèces au cours du temps. C'est le chevalier Jean-Baptiste de Monet de Lamarck (1744-1829) qui fonde le transformisme.


Devenu professeur au Museum d'Histoire Naturelle de Paris, fondé pendant la Révolution, il publie en 1809 sa Philosophie Zoologique qui expose ses idées, notamment l'hérédité des caractères acquis.

Un extrait de la Philosophie Zoologique 


Malheureusement, les idées de Lamarck vont trouver en Georges Cuvier (1769-1832), un adversaire implacable, qui présentera de façon ridicule les intuitions de Lamarck, présentation qui perdure encore aujourd'hui.


Cuvier est un très grand scientifique, fondateur de la paléontologie moderne. Transformiste dans sa jeunesse, il devient véritablement un fixiste obsessionnel dans la seconde partie de sa vie.
Sa définition de l'espèce est essentiellement fondée sur la ressemblance entre les individus qui en font partie.
Afin d'expliquer l'existence d'espèces fossiles, il propose la Théorie de catastrophes. Il y aurait eu plusieurs créations divines à la surface du globe suivies de catastrophes, la dernière en date étant le Déluge. Les fossiles seraient les traces des créations précédentes (les Révolutions de la surface du globe, 1825).

Quelques problèmes relatifs à l'espèce, à la spéciation et à la sélection naturelle
Dans une population d''une espèce donnée, la fréquence des allèles varie. Deux phénomènes jouent sur cette variation :
— la dérive génétique
— la sélection naturelle ou pression de sélection 

Spéciation et hybrides interspécifiques

La spéciation est le phénomène d'apparition d'une espèce. C'est un phénomène très complexe dont on ne connaît encore pas toutes les modalités (et de loin !).
Un exemple intéressant nous est donné par l'apparition du Pizzly qui fait partie de la famille des Ursidées.

Arbre phylogénétique des Ursidés
Le Pizzly (contraction de Polar bear et Grizzly) encore appelé Grolar est apparu il y a quelques années en Amérique du Nord.



On sait aujourd'hui que le Pizzly est le résultat d'un croisement entre l'Ours polaire (Ursus maritimus) et le Grizzly (Ursus arcos).

Le Grizzly vit dans les forêt du nord des USA et du Canada.



L'ours polaire vit dans les zones de banquise de l'hémisphère nord.



Tableau de comparaison des caractéristiques de l'Ours polaire et du Grizzly


Le Pizzly est donc un hybride interspécifique qui apparaît naturellement. Les individus sont fertiles et peuvent se reproduire entre eux. Il y a interfécondité. On peut donc se demander si le Pizzly n'est pas en train de se constituer comme une nouvelle espèce.
On peut supposer que l'habitat de l'Ours polaire étant en train de se réduire du fait du réchauffement climatique, des petites populations se sont retrouvées isolés. Pour perpétuer l'espèce, il y a eu obligation de fécondation interspécifique.
Cette séparation étant récente, les deux espèces ne sont pas suffisamment éloignées génétiquement pour interdire l'interfécondité. Une autre hypothèse tout aussi envisageable et de penser que le Grizzly et l'Ours polaire ne sont que deux variétés d'une même espèce. 
Cependant, on a pu obtenir un croisement fertile entre plusieurs espèces d'ours notamment l'ours à lunettes (Tremarctos ornatus, 52 chromosomes) et l'ours à collier (Ursus thibetanus, 74 chromosomes).

Croisements fertiles obtenus entre différentes espèces d'ours

  
Toujours dans la famille des Ursidés, un autre cas est intéressant, celui des pandas. Il existe deux espèces de pandas : le grand panda (Ailuropoda melanoleuca) et le petit panda ou panda roux (Ailurus fulgens). Leur aire de répartition est voisine.

Grand panda


Panda roux


Ces deux espèces ont été rapprochées car elles possèdent une même particularité, la présence d'un sixième "doigt", le fameux "pouce du panda". 

Pattes du grand panda. A gauche, la patte antérieure. A droite, la patte postérieure


Ce doigt est en réalité l'extension d'un os du poignet, le sésamoïde. Il permet aux deux espèces, strictement phytophages, de tenir les pousses de bambous qui sont la base de leur régime alimentaire.  
Squelette de la patte antérieure du grand panda (en bleu le sésamoïde)

L'étude d'une espèce fossile, Simocyon batalleri, a remis en cause le rapprochement phylétique entre les deux espèces. Simocyon était une carnivore de la taille d'un gros chat qui a vécu il y a environ 10 millions d'années.

Squelette de Simocyon batalleri 


Reconstitution de Simocyon



On a constaté que Simocyon possédait lui-aussi une extension du sésamoïde alors qu'il était carnivore. On suppose que ce dispositif permettait à l'animal d'avoir une meilleur capacité de se déplacer dans les arbres. 

Patte antérieur de Simocyon (en bleu le sésamoïde)

La présence d'un "pouce" surnuméraire n'est donc non pas liée au régime alimentaire mais au déplacement arboricole. De ce fait, on a pu établir que le grand panda et le panda roux était assez éloignés phylogénétiquement et que la présence du "pouce" n'est qu'une convergence forme — c'est à dire une forme proche due aux contraintes environnementales.

Arbre phylogénétique des pandas

 
Comme on le voit, la notion d'espèce est extrêmement difficile à définir avec précision.
Un autre cas est celui des croisements entre les Félidés ou Félins. Toutes les espèces appartenant à cette famille ont un caryotype 2N = 38


On pourrait donc s'attendre à ce que les hybridations interspécifiques se passent bien. On a en effet obtenu de nombreux hybrides.

Le Tigron, résultat du croisement entre un Lion et une Tigresse


Le Ligron ou Ligre, résultat du croisement entre un Tigre et une Lionne


Curieusement, dans les deux cas, la femelle est fertile mais le mâle est stérile.
On a pu aussi obtenir le Léopon, hybride entre un Lion et un Léopard femelle.


Alors que tout ces hybrides ne sont obtenus qu'en captivité, certains zoologistes estimes que le Lion tacheté du Kenya ou Marozi pourrait être un Léopon naturel. Cette hypothèse est extrêmement  critiquée par la majorité des scientifiques.


On a pu obtenir aussi quelques Titigrons, croisement entre un TIgre et un Tigron femelle, aussi bien que de rares Liligres, croisement entre un Lion et un Liligre femelle. Ces animaux semblent stériles.

Titigron


Liligron ou Liligre


Actuellement, les scientifiques ne comprennent pas pourquoi des espèces aussi proches que les différents félins ne donnent pas des hybrides entièrement fertiles. Dans ce cas, le critère d'interfécondité  s'applique sans problèmes.
Comme on le voit la notion d'espèce n'est pas sans poser de nombreuses questions. Ces questions ont pour la première fois été abordées par Charles Darwin (1809-1882).

Charles Darwin en 1878


Dans sa jeunesse, Darwin est invité en temps que naturaliste, à faire un long périple de 5 ans sur un navire appelé le Beagle qui est affrété pour faire du relevé topographique.


Comme on le constate, le Beagle va sillonner les mers du Sud. C'est lors d'un arrêt de 2 mois sur les îles Galapagos que Darwin va élaborer sa théorie de la sélection naturelle, en observant la diversité des Fringillidés (pinsons) qui peuplent l'archipel. Les différents îles d'origine volcanique (les îles Galapagos sont situées sur un point chaud) présentent de très grandes diversités de climat et d'environnement du fait des courants froids qui circulent dans cette zone (courant de Humboldt et courant de Cromwell).


Les pinsons des Galapagos se distinguent par la taille et surtout par la taille et la forme du bec, qui varie en fonction du type de nutrition. Par exemple, sur certaines îles, l'espèce présente une adaptation à une nutrition exclusivement à base de cactus.


Pour Darwin, les différentes espèces de pinsons qui peuplent les Galapagos auraient pour origine un groupe d'oiseaux du genre Tiaris qui auraient émigré depuis le continent sud-américain. La diversification se serait alors faite en fonction de l'environnement, par sélection du plus apte. L'isolement géographique des différentes espèces aurait entraîné la spéciation
Après 20 ans de travail et de réflexion, Darwin publie en 1859, De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle, le livre le plus important de l'histoire de la biologie. Il est à la base de l'évolutionnisme. Son importance dépasse de loin le seul domaine de biologie car il remet en cause le dogme de la création divine.
Pour Darwin, l'espèce étant en constante évolution, n'a pas d'existence bien déterminée. C'est un groupe d'êtres vivants à contours flous qui est utilisé comme facilité de langage. Seul l'individu a une existence réelle.
A peu près au moment où Darwin élabore sa théorie de la sélection naturelle, un autre naturaliste Alfred Russell Wallace (1823-1913) construit un modèle très proche.

Alfred Russell Wallace


Précurseur de l'écologie scientifique, Wallace considère que l'espèce est non seulement soumise à une concurrence entre individus mais subit aussi une pression écologique due à l'environnement. Ce sont ces deux facteurs qui aboutissent à la spéciation.
Au début du XXème siècle, une nouvelle science fait son apparition : la génétique. Elle va permettre au scientifiques de compléter l'hypothèse de Darwin qui ne donnait aucune explication sur le moteur permettant la sélection du plus apte au sein d'une population. Les notions de mutations et de fréquence allélique vont y répondre.
La théorie synthétique de l'évolution réunit trois domaines de la biologie : le darwinisme, la génétique et la paléontologie, la reconstitution des faunes et des flores disparues ayant fait des pas de géants au début du XXème siècle.
L'un des représentant les plus éminents de la théorie synthétique de l'évolution est le zoologiste Ernst Mayr (1904-2005).


Selon Mayr, "Les espèces sont des groupes de populations réellement ou potentiellement capables de se croiser et qui sont reproductivement isolés des autres groupes ayant les mêmes propriétés" (1942).
Le schéma ci-dessous propose un modèle récent assez partagé de la spéciation.

Modèle simple de l'évolution selon la théorie synthétique

 











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